Déclaration de Ted Chaiban, directeur général adjoint de l’UNICEF pour les opérations humanitaires et d’approvisionnement.
Kaboul/ New York, le 9 août 2025 – « Je reviens d’Afghanistan, où plus de deux millions d’Afghans, dont un demi-million d’enfants, sont revenus d’Iran et du Pakistan depuis le début de l’année, sans compter un nombre important de personnes provenant de pays d’Asie centrale.
C’était ma quatrième mission en Afghanistan. Sur place, j’ai pû rencontrer de hauts responsables de l’autorité de facto, notamment le vice-Premier ministre chargé des affaires administratives, des ministres par intérim et des gouverneurs provinciaux. Nous avons également rencontré des collègues des Nations Unies, des donateurs et des partenaires de la société civile. J’ai eu l’occasion de voir les programmes soutenus par l’UNICEF à Kunduz, Islam Qala et Herat. Comparativement à mes visites précédentes, j’ai constaté une amélioration de l’accès dans tout l’Afghanistan, ce qui a permis à l’UNICEF de fournir des services humanitaires à un plus grand nombre d’enfants, de femmes et de communautés.
Les Afghans rapatriés s’interrogent sur la reconstruction de leur avenir et la poursuite de leur éducation
Au centre d’accueil d’Islam Qala, où des dizaines de milliers de personnes arrivent chaque jour depuis l’Iran, j’ai pu observer la coordination des services humanitaires et de protection fournis par les autorités de facto, les agences des Nations Unies, les ONG et d’autres partenaires. Des centres d’accueil ont été mis en place aux points frontaliers à travers tout le pays afin de répondre à l’afflux massif de rapatriés, qui a atteint son pic le 4 juillet avec plus de 50 000 arrivées en une seule journée. Les familles que j’ai rencontrées à la frontière ont indiqué qu’elles envisageaient l’avenir avec espoir dans leur pays d’origine, mais qu’elles s’inquiétaient pour la reconstruction de leur vie. L’une des préoccupations communes était la continuité de l’éducation de leurs filles au-delà de la 6e année, une préoccupation partagée par les élèves que j’ai rencontrées à Kunduz.
L’éducation en Afghanistan reste un problème crucial, en particulier pour les adolescentes qui ne sont pas autorisées à aller à l’école au-delà de la 6e année. Cela n’affecte pas seulement les filles, mais toutes les femmes du pays qui se voient privées d’une éducation secondaire formelle, d’une université et, par conséquent, d’un emploi. À Kunduz, j’ai visité une classe d’apprentissage accéléré où les filles peuvent terminer leur éducation primaire si elles n’ont pu être scolarisées. L’une des jeunes enseignantes m’a confié qu’elle n’était qu’à quelques mois de la fin de ses études de médecine lorsqu’on lui a interdit de les poursuivre. C’est une femme médecin de moins pour répondre aux besoins essentiels des femmes en Afghanistan en matière de santé.
À l’école Ustad Abdullah, près de Kunduz, j’ai rencontré de nombreux élèves brillants, filles et garçons, qui voulaient devenir enseignants, chirurgiens, ingénieurs ; tous remplis d’espoir pour l’avenir de l’Afghanistan, auquel ils peuvent contribuer. Malheureusement, avec l’interdiction actuelle de l’éducation des adolescentes en Afghanistan, les filles ne peuvent pas poursuivre leurs études au-delà de la 6e année. L’éducation pour tous les enfants est au cœur de la mission de l’UNICEF, et nous plaidons fermement en faveur de la levée de cette interdiction afin que les filles de tous âges puissent rester à l’école, recevoir une bonne éducation, travailler et jouer un rôle dans la société, pour elles-mêmes, leurs familles et pour l’avenir du pays. Nous sommes prêts à trouver des solutions pour assurer la continuité de l’éducation des filles et continuons à explorer différentes options avec les autorités.
Les impacts humanitaires et sociétaux des rapatriements massifs
Concernant la crise liée aux rapatriements massifs, l’UNICEF salue et remercie les efforts déployés depuis des années par les gouvernements des pays d’accueil, notamment l’Iran et le Pakistan, pour accueillir les ressortissants afghans sur leur territoire. Nous sommes toutefois préoccupés par le bien-être des familles et des personnes, en particulier les enfants, qui entreprennent un voyage souvent difficile et soudain pour rentrer chez eux, ainsi que par l’impact de ces retours massifs sur les communautés déjà fragiles dans lesquelles ils reviennent en Afghanistan, où plus de la moitié de la population a besoin d’une aide humanitaire et lutte pour surmonter les conséquences de plus de quatre décennies de conflit, aggravées par une terrible sécheresse. Les enfants ont besoin d’une protection spéciale, en particulier les enfants non accompagnés, et leur intérêt supérieur doit être évalué par les autorités chargées de la protection de l’enfance afin de garantir leur protection et leur bien-être, y compris le soutien à la réunification familiale. À la fin du mois de juillet, l’UNICEF avait recensé et aidé plus de 6 000 enfants non accompagnés et séparés et les avait réunis avec leur famille et leurs proches.
Si l’intensification rapide des efforts a permis une coordination et une concertation des interventions de première ligne dans les points d’accueil aux frontières, il faut faire davantage pour garantir la sécurité des rapatriés pendant leur déplacement, notamment en améliorant la qualité des soins continus pendant leur retour et en leur garantissant un accès durable aux services essentiels dans les zones de retour en Afghanistan afin de favoriser une réintégration durable. Compte tenu de l’accès limité à l’éducation, aux services de santé et aux opportunités économiques, ainsi que des délais d’adaptation très serrés, les communautés ont de plus en plus de mal à absorber le nombre élevé de rapatriés.
Établir un dialogue commun pour sécuriser les rapatriements
L’UNICEF appelle à une approche systématique et progressive des retours, qui garantisse la sécurité, la dignité et le libre choix des personnes déplacées, ainsi qu’à la continuité des soins tout au long de leur parcours et à des mesures leur permettant d’accéder à une protection continue dans les pays d’accueil, si nécessaire.
Une telle approche est particulièrement cruciale pour les groupes vulnérables, notamment les femmes et les enfants, y compris les enfants séparés et non accompagnés.
L’UNICEF appelle donc à un dialogue entre l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan afin d’organiser les rapatriements de manière progressive et de permettre aux autorités afghanes, aux agences des Nations Unies, aux ONG et aux partenaires de mieux gérer la réponse. Nous appelons aussi les donateurs à soutenir notre action humanitaire en faveur des personnes rapatriées – y compris les enfants – tant dans les lieux d’accueil que dans les zones de réinstallation définitive. »
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