Déclaration de Gilles Fagninou, Directeur régional de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, à l’occasion de la Conférence sur les Grands Lacs.
Alors que les dirigeants africains, les partenaires internationaux et les organisations humanitaires se réunissent à Paris pour discuter de la paix dans la région des Grands Lacs, l’UNICEF met en garde contre la situation des enfants piégés au cœur des violences.
Kinshasa/ Paris, le 30 octobre 2025 – « Aujourd’hui, plus de 12 millions d’enfants en République démocratique du Congo (RDC), en Ouganda et au Burundi dépendent de l’aide humanitaire simplement pour survivre. Rien qu’en RDC, plus de 5 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays, tandis que plus d’un demi-million de réfugiés des pays voisins cherchent refuge à l’intérieur de ses frontières.
Malgré les efforts de paix inlassables aux niveaux régional et international, les combats se poursuivent et ont des effets dévastateurs sur les civils, en particulier les enfants et les femmes.
Près de 1 200 écoles dans l’est de la RDC sont en ruines ou sont devenues des abris, laissant 1,6 million d’enfants non scolarisés et vulnérables à l’exploitation, aux abus et au recrutement.
Des maladies telles que le choléra, la variole simienne et Ebola refont surface, tandis que la malnutrition aiguë s’intensifie, poussant des systèmes déjà fragiles au bord du gouffre.
Les violations graves contre les enfants sont monnaie courante. À l’échelle mondiale, la RDC a enregistré le deuxième plus grand nombre de violations graves vérifiées par l’ONU, avec plus de 4 000 violations en 2024.
La brutalité de la violence sexuelle s’aggrave : les enfants représentent plus de 40 % des près de 10 000 cas signalés au début de 2025.
Pourtant, alors même que les besoins augmentent, l’accès humanitaire se réduit. La fermeture d’infrastructures clés, y compris les aéroports, a particulièrement perturbé les chaînes d’approvisionnement humanitaires et les capacités d’intervention d’urgence.
L’UNICEF appelle toutes les parties et tous les partenaires à :
1. Placer la protection de l’enfance au centre de toutes les interventions et de tous les efforts de paix
De graves violations contre les enfants caractérisent cette crise. Les négociations de cessez-le-feu, les processus de désarmement et de réintégration doivent explicitement donner la priorité à la protection des enfants. Les parties au conflit doivent respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et :
- Cesser immédiatement toutes les violations graves et les attaques contre les civils, les écoles, les hôpitaux et les autres installations protégées.
- Le gouvernement de la RDC à mettre pleinement en œuvre le Plan d’action de 2012 sur les enfants et les conflits armés et ses engagements à prévenir la violence sexuelle à l’égard des enfants.
- Garantir un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave à tous les enfants et familles dans le besoin.
2. Réagir dans une optique régionale et adaptée aux enfants
Il s’agit d’une crise transfrontalière qui exige une action régionale coordonnée, ancrée dans la solidarité régionale. Les gouvernements, les organisations régionales et les partenaires humanitaires devraient :
- Renforcer les mécanismes conjoints transfrontaliers de protection de l’enfance pour prévenir le recrutement, la traite et la séparation des familles.
- Garantir l’accès à l’éducation, aux soins de santé et au soutien psychosocial pour les enfants déplacés en RDC, en Ouganda et au Burundi.
- Ancrer les processus régionaux de consolidation de la paix et de retour dans les droits de l’enfant et la stabilité à long terme.
3. Investir dans la résilience des enfants – pas seulement dans l’aide d’urgence
Les enfants ont besoin de plus que simplement survivre. Pour prospérer, ils ont besoin de :
- Une expansion de l’offre de services de base pour reconstruire les communautés et restaurer la dignité, y compris des structures qui autonomisent les enfants – en particulier les filles – telles que les écoles et les programmes communautaires.
- Soutenir le rétablissement et la réintégration des enfants anciennement associés à des groupes armés et des survivants de violences sexuelles.
Il ne s’agit pas seulement d’une urgence humanitaire, mais aussi d’une crise des droits de l’enfant. La protection des enfants doit rester notre boussole morale collective. L’avenir de la région est en jeu. »