Le projet de loi pour la refondation de Mayotte, meurtrie par le cyclone Chido, doit faire l’objet d’un vote solennel ce 27 mai. Dans ce contexte, Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France alerte, dans une tribune parue dans La Croix, sur l’absence de mesures pour les enfants mahorais, alors que près de 80 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.
Mayotte traverse une crise multidimensionnelle qui frappe de plein fouet les enfants : avec un taux de mortalité infantile de 8,9 ‰, soit plus du double de la moyenne hexagonale, et alors que près de 80 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, la situation exige une action immédiate. Les conditions de vie se dégradent face à des taux alarmants de malnutrition, un accès aux soins défaillant et un habitat largement insalubre. Cette précarité s’aggrave encore avec l’absence de solutions de relogement pour les familles sinistrées, contraintes de reconstruire des abris de fortune qui les exposent à des conditions sanitaires déplorables et aux risques croissants des catastrophes climatiques.
Sur le territoire, les structures d’accueil pour la petite enfance sont quasi inexistantes, tout comme les activités périscolaires, tandis que près de 9 500 enfants se voient privés d’école, faute d’infrastructures suffisantes et en raison d’obstacles persistants à la scolarisation des enfants étrangers. Cette défaillance systémique fragilise particulièrement les familles monoparentales et met en tension l’ensemble du système de protection de l’enfance, alors que les services de prévention, gravement sous-financés, peinent déjà à assurer leur mission.
Dans ce contexte extrêmement critique, la situation est particulièrement alarmante pour les enfants étrangers et/ou en situation de migration, dont les droits fondamentaux sont systématiquement bafoués. Alors que la situation de précarité extrême renforce le repli sur soi, la discrimination envers les étrangers s’installe durablement, entravant la libre circulation de milliers d’enfants et privant toute une génération de perspectives. Cette rupture d’égalité compromet les chances de développement et d’épanouissement de ces enfants, mais elle hypothèque aussi l’avenir même du territoire.
Un impératif moral
En vertu de la Convention internationale des droits de l’enfant, refonder Mayotte exige de placer les enfants au cœur du projet, tant pour les protéger que pour reconnaître leur rôle essentiel dans le changement. Or, le projet de loi de programmation, dans sa forme actuelle, fait l’impasse sur leurs besoins spécifiques. Garantir un accès inconditionnel à l’éducation, à la santé, à une protection adaptée et à un environnement sain constitue à la fois un impératif moral et une condition indispensable pour l’avenir de l’île.
Si certaines avancées méritent d’être saluées – convergence des droits, fin des classes itinérantes et du système de rotation, création d’un fonds périscolaire – plusieurs dispositions du texte soulèvent de vives inquiétudes au regard des droits de l’enfant et des recommandations du Comité des Nations unies.
Ainsi de la création prévue d’unités familiales qui, sous couvert d’alternative, ne font que perpétuer une logique d’enfermement des familles avec enfants, alors que la fin de l’enfermement administratif des enfants était initialement prévue en 2027. De même, la fin du droit inconditionnel à une proposition de relogement dans le cadre de la politique de destruction des habitations précaires signe l’augmentation massive du phénomène d’enfants à la rue.
Combler les lacunes
Face à l’urgence de la situation, les parlementaires portent une responsabilité historique : celle de combler les lacunes d’un texte qui néglige l’enfance dans la refondation de Mayotte. Il est impératif que les pouvoirs publics y intègrent une approche fondée sur les droits de l’enfant dans toutes leurs politiques – justice, logement, santé, éducation, protection. Cette exigence n’est pas optionnelle : elle constitue une obligation juridique qui engage la France.
L’Unicef France est prêt à accompagner institutions, collectivités et acteurs de terrain dans cette mission essentielle. Au-delà des discours sécuritaires et des logiques de tri qui prévalent aujourd’hui, seule une reconnaissance pleine et entière des droits de l’enfant permettra une véritable refondation du département le plus jeune de France.
Signataire :
- Adeline HAZAN, présidente de l’UNICEF France