Directeur du bureau de l’innovation de l’UNICEF depuis 2020, Thomas Davin place la créativité et la technologie au service des droits de l’enfant. De passage au Comité français de l’UNICEF, nous avons été à sa rencontre. Il témoigne.
Quel rôle joue l’innovation dans la mission de l’UNICEF pour améliorer la vie des enfants ?
L’innovation est un véritable accélérateur. Elle permet d’élargir la portée de nos programmes, d’en renforcer l’efficacité et d’en décupler l’impact.
Tout part d’un constat lucide : pourquoi seulement 13 % des adolescents qui souffrent de troubles mentaux sont-ils identifiés ? Pourquoi 7 enfants sur 10 vont-ils à l’école sans réellement apprendre ?
Ces réalités nous poussent à chercher des réponses nouvelles et ambitieuses. Pour atteindre les objectifs fixés pour l’enfance, il nous faut progresser quatre fois plus vite qu’au cours des quinze dernières années. Cela n’est possible qu’en misant sur des innovations radicales, capables de transformer durablement les conditions de vie des enfants à grande échelle.
Quelles sont les nouvelles technologies les plus prometteuses pour répondre aux défis des enfants ?
“L’intelligence artificielle est l’une des plus puissantes. Elle peut révolutionner l’accès à l’éducation, aux soins de santé et même la lutte contre le changement climatique.”
Avec les Accessible Digital Textbooks, par exemple, nous transformons les manuels scolaires en formats digitaux, accessibles aux enfants malvoyants ou malentendants. Ce qui prenait 18 mois par manuel ne demande plus que quelques semaines, avec des coûts réduits de plus de 90 %.
Nous misons aussi sur la blockchain, qui sécurise et accélère les transferts financiers, et sur l’imagerie satellitaire, qui permet de prévoir sécheresses, déplacements forcés et impacts climatiques. Ces outils changent radicalement notre capacité à protéger et accompagner les enfants, partout dans le monde.
Les nouvelles technologies comportent aussi des risques. Comment l’UNICEF s’assure-t-elle qu’elles protègent les droits des enfants et réduisent les inégalités, plutôt que de les aggraver ?
Nous en sommes pleinement conscients. L’intelligence artificielle, par exemple, peut servir à des usages néfastes comme la désinformation ou l’addiction.
“C’est pourquoi nous avons établi des principes clairs – “do no harm” ou “ne pas nuire”, transparence, éthique – et faisons systématiquement appel à des experts pour évaluer chaque projet avant son déploiement.”
Un autre défi majeur est l’exclusion : ces technologies bénéficient souvent d’abord aux zones urbaines connectées. Avec l’initiative GIGA, nous travaillons à connecter toutes les écoles et désormais aussi les centres de santé, afin que chaque enfant, où qu’il vive, puisse en bénéficier.
Pouvez-vous donner un exemple concret d’innovation qui a déjà changé la vie des enfants ?
Les manuels scolaires digitalisés en sont un excellent exemple : ils rendent enfin le savoir accessible à des enfants malvoyants ou malentendants, qui peuvent aujourd’hui apprendre grâce à cette technologie.
Autre innovation majeure : l’imagerie souterraine, qui permet de localiser des nappes phréatiques à plus de 500 mètres de profondeur. Grâce à cette technologie, des puits ont été forés dans la Corne de l’Afrique avec un taux de réussite de 80 à 90 %.
“Résultat : des millions de personnes ont pu rester dans leur région, plutôt que d’être déplacées à cause de la sécheresse, et à des coûts bien moindres.”
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux lecteurs de cette interview ?
Je souhaiterais conclure sur une note positive car nous vivons dans un monde saturé de mauvaises nouvelles, qui nourrit le pessimisme.
Pourtant, l’innovation nous montre chaque jour qu’il existe des solutions concrètes pour relever les défis, ouvrir de nouvelles perspectives et redonner de l’espoir.
Grâce à elle, nous avons les moyens de rendre la vie plus facile pour des millions de personnes, d’enfants, de familles. Nous pouvons vraiment contribuer à changer le monde.