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Catherine Russell, directrice générale de l'UNICEF, au Conseil de sécurité de l'ONU. ©UN71007692
Catherine Russell, directrice générale de l'UNICEF, au Conseil de sécurité de l'ONU. ©UN71007692

Haïti : la violence des gangs aux racines du mal

Briefing de Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF, au Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation humanitaire en Haïti.

New York, le 23 octobre 2023 – « Excellences, chers collègues,

Je remercie l’ambassadrice França Danese d’avoir organisé cette réunion d’information pendant la présidence brésilienne du Conseil de sécurité et de m’avoir invitée à vous informer de la grave crise humanitaire et des droits de l’enfant qui sévit en Haïti.

Aujourd’hui, je m’exprime à la fois en tant que directrice générale de l’UNICEF et en tant que Défenseure principale d’Haïti pour le Comité permanent interorganisations.

La crise en Haïti s’aggrave de jour en jour.

La moitié de la population, dont près de 3 millions d’enfants, a besoin d’une aide humanitaire. Cependant, la moitié de ceux qui ont besoin d’aide n’en reçoivent pas, en grande partie en raison de l’insécurité et de l’insuffisance du financement de l’aide humanitaire. Les services de base sont au bord de l’effondrement. Dans certaines communautés, la vie est plus dangereuse qu’elle ne l’a jamais été.

Les communautés terrorisées par la violence des gangs

Des années de troubles politiques et des conditions économiques désastreuses ont conduit à la prolifération des groupes armés. On estime que deux millions de personnes, dont 1,6 million de femmes et d’enfants, vivent dans des zones sous leur contrôle effectif. Ces groupes étendent leurs opérations en dehors de la capitale, perpétrant des actes d’une extrême violence tant à Port-au-Prince que dans la région voisine de l’Artibonite. Lors de ma visite en Haïti en juin dernier, j’ai pu constater de visu à quel point la violence et la peur déchirent le tissu même qui unit les familles et les communautés.

Des enfants sont blessés ou tués dans les tirs croisés, certains même sur le chemin vers l’école. D’autres sont recrutés de force ou rejoignent des groupes armés par pur désespoir. Les communautés sont terrorisées… et les femmes et les jeunes filles sont la cible de violences sexuelles et sexistes d’une extrême gravité.

Lors de ma récente visite, j’ai rencontré une fillette de 11 ans au centre Gheskio, qui prend en charge les victimes de violences sexuelles au cœur de Port-au-Prince. À la fin de l’année dernière, cinq hommes appartenant à un groupe armé l’ont enlevée dans la rue alors qu’elle marchait. Trois d’entre eux l’ont violée à tour de rôle. En juin, lorsqu’elle m’a raconté son histoire, elle était enceinte d’environ huit mois.

Plusieurs femmes du centre ont parlé d’hommes armés qui sont entrés par effraction, les ont violées – pour l’une d’entre elles, sous les yeux de ses enfants – et ont ensuite mis le feu à leur maison. Dans certaines régions, ces abus et crimes horribles sont désormais monnaie courante.

Les enlèvements contre rançon ont explosé, tandis que les étudiants, les enseignants et les travailleurs de la santé font l’objet de menaces quotidiennes. En conséquence, les travailleurs qualifiés – dont on a désespérément besoin pour fournir des services essentiels – tentent de fuir leurs communautés, voire le pays tout entier. Des dizaines de milliers de personnes sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays en raison de l’extrême violence.

Le peuple en proie à une crise alimentaire majeure

Les groupes armés ont également bloqué les principales voies de transport entre Port-au-Prince et le reste du pays, où réside la majeure partie de la population, réduisant à néant leurs moyens de subsistance et limitant leur accès aux services essentiels.

Cette combinaison de conditions potentiellement mortelles a provoqué une intensification de l’insécurité alimentaire et de la crise nutritionnelle, en particulier pour les enfants. Depuis l’année dernière, nous constatons une augmentation sans précédent de 30 % du nombre d’enfants souffrant d’émaciation sévère, soit plus de 115 000 au niveau national.

Près d’un quart des enfants haïtiens souffrent de malnutrition chronique, ce qui peut avoir des conséquences dévastatrices sur leur développement physique et cognitif.

La crise de la malnutrition se conjugue à une épidémie de choléra, dont près de la moitié des cas suspectés sont des enfants de moins de 14 ans. Les enfants souffrant de malnutrition sévère ont cinq fois plus de risques de mourir du choléra s’ils ne sont pas soignés d’urgence. Pourtant, le système national de santé n’a pas la capacité de répondre de manière adéquate aux besoins sanitaires et nutritionnels des enfants et des familles vulnérables.

La violence compromet également le travail des acteurs humanitaires sur le terrain. Pourtant, malgré les risques et la complexité opérationnelle, nos organisations continuent d’apporter des services vitaux aux enfants et aux familles les plus vulnérables.

Les besoins urgents d’augmentation des financements

Des résultats positifs sont possibles.

La semaine dernière, par exemple, l’UNICEF et ses partenaires ont pu obtenir la libération en toute sécurité de près de 60 enfants détenus par des groupes armés qui occupaient une école à Port-au-Prince.

Excellences, nous tenons nos promesses à l’égard du peuple haïtien et nous nous engageons à rester sur le terrain pour répondre aux besoins humanitaires. Mais nous avons besoin de plus de soutien. Depuis le début de l’année, nous avons reçu à peine un quart des 720 millions de dollars nécessaires pour financer le plan de réponse humanitaire.

La communauté internationale devrait donner la priorité à l’augmentation des financements humanitaires flexibles. Cela nous aidera à fournir une aide vitale, tout en mettant en œuvre des solutions à long terme et le renforcement de la résilience. J’espère que tous ceux qui sont présents ici aujourd’hui inciteront les institutions financières internationales et les partenaires de développement à maintenir les secteurs et les services sociaux haïtiens en activité, au moins jusqu’à ce que leurs capacités soient rétablies.

Le rôle essentiel de la Mission de soutien pour le rétablissement de la sécurité

Bien entendu, les progrès en Haïti dépendent d’une amélioration significative de la situation en matière de sécurité. La Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti, récemment approuvée par ce Conseil, jouera un rôle essentiel dans cet effort. La sécurité des civils est primordiale et la mission de soutien doit donner la priorité à leur protection dans toutes ses opérations.

Elle doit notamment éviter de recourir à la force à l’intérieur et à proximité des zones peuplées. La Mission ne doit utiliser que les moyens les moins préjudiciables, nécessaires et proportionnés aux objectifs légitimes de maintien de l’ordre.

La Mission de soutien doit également veiller à ce qu’une attention particulière soit accordée à la protection des groupes vulnérables, notamment les enfants, les femmes, les personnes handicapées et les personnes déplacées à l’intérieur du pays. La Mission doit travailler avec le gouvernement pour identifier les menaces qui pèsent sur ces groupes de personnes et veiller à ce qu’ils soient protégés contre les abus et autres violations des droits de l’homme … y compris les violences sexuelles et sexistes, et les violations graves à l’encontre des enfants.

La prévention de l’exploitation et des abus sexuels nécessitera une formation approfondie avant le déploiement et sur le terrain. Les pays contributeurs en matière de forces de police doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mener des enquêtes sur les allégations aussi rapidement que possible et pour que les auteurs de violences soient tenus pour responsables de leurs actes.

En outre, la Mission doit veiller à ce que les enfants qui sont ou seraient associés à des groupes armés soient considérés comme des victimes de violations du droit international. Cela inclut ceux qui sont accusés d’avoir commis des crimes.

Enfin, la Mission de soutien doit s’efforcer de faciliter l’action humanitaire, tout en restant à l’écart des opérations humanitaires. Elle doit éviter d’entraver l’accès aux personnes dans le besoin, conformément aux principes humanitaires. Une coordination adéquate avec les acteurs humanitaires par le biais de plateformes civilo-militaires sera fondamentale.

Excellences, je continue d’être impressionnée par la résilience, la dignité et le courage du peuple haïtien, malgré la situation désastreuse qui règne sur le terrain. Les haïtiens restent attachés à la vision d’un pays pacifique et prospère. En travaillant avec eux, je suis convaincue que nous pouvons contribuer à faire de cette vision une réalité.

Je vous remercie. »