"J'essaie d'oublier ce que mes mains ont fait"
Publié le 01 février 2012
Le témoignage de Christian*, ex-enfant soldat en République Démocratique du Congo (RDC), libéré et réinséré dans la société grâce à l’Unicef et ses partenaires.
« J’avais 13 ans quand les rebelles sont venus dans mon village. raconte Christian*, 16 ans. Ils n’ont pas posé de questions. ‘’Prends ta veste et viens avec nous, ou on te tue’’. Je suis restée avec eux pendant 3 ans, sans penser, juste à ‘’fonctionner’’ ».
Depuis près de 15 ans, un conflit fait rage en République Démocratique du Congo. Et en période de guerre, de conflit ou d’instabilité, les enfants sont particulièrement vulnérables : ils sont victimes d’abus sexuels, perdent leurs familles et leurs maisons lors des déplacements de population – et, trop souvent, sont forcés à participer aux conflits.
Christian a été libéré quand son groupe armé a été intégré à l’armée nationale, dans le cadre d’un processus de pacification. Mais son calvaire n’était pas terminé pour autant : les enfants associés à des forces ou groupes armés font ensuite face à d’immenses défis pour se réinsérer dans la société. Stigmatisés, traumatisés par ce qu’ils ont vécu – kidnappés, abusés, forcés à participer aux conflits. « J’essaie d’oublier ce que mes mains ont fait » confie Christian.
Se construire des rêves
Il existe des « centres de réinsertion », qui aident les enfants à se remettre de ce qu’ils ont vécu, et à retourner dans leur communauté. En janvier 2012, 101 enfants âgés de 11 à 17 ans vivaient au Centre pour Transit et Orientation de Bukavu, dans le Sud Kivu, suite à leur libération de groupes ou forces armées. Le centre est dirigé par le « Bureau pour le Volontariat au service de l’enfance et de la santé », une association congolaise partenaire de l’Unicef.
A leur arrivée au Centre, les enfants reçoivent un soutien psychologique et un enseignement scolaire ou une formation professionnelle, pour apprendre un métier. Peu à peu, ils apprennent à s’accepter eux-mêmes, et à accepter les autres, malgré l’horreur qu’ils ont pu vivre. « Le contexte dans lequel ils sont devenus enfants soldats n’a pas évolué » explique Murhabazi Namegabe, directeur du centre. Il est important qu’ils aient aujourd’hui un projet de vie clair, et qu’ils se bâtissent des rêves – des rêves réalisables. »
En groupes, ils parlent de leur passé, et de leurs projets.
« Pendant plusieurs mois, je pouvais à peine manger et dormir, je ne parlais à personne », raconte un autre garçon, à peine plus âgé que Christian. « J’avais toutes ces images qui se bousculaient dans ma tête, qui revenaient sans cesse… Mais aujourd’hui j’arrive à dire bonjour aux gens, et je suis devenu un très bon mécanicien. Il y a des jours où c’est difficile d’être la personne que je suis – et d’autres où j’arrive à être heureux. »
Vers un avenir meilleur
Pendant que les enfants acquièrent de nouvelles compétences, et retrouvent une certaine tranquillité d’esprit, le Comité International de la Croix Rouge recherche leur famille – ce qui n’est pas une tâche facile, selon Murhabazi Namegabe. « De nombreux enfants viennent de secteurs où les violences continuent, ils risquent d’y être à nouveau enrôlés. D’autres ne veulent pas rentrer chez eux : ils ont honte de ce qu’ils ont fait. Il y a aussi des familles qui refusent de reprendre leur enfant, car ils ont peur de ce qu’il est devenu... »
*Les noms des enfants ont été changés pour protéger leur identité