Déclaration d’Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France, à la veille de l’examen du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte en commission des lois au Sénat.
Paris, le 13 mai 2025 – « L’UNICEF France exprime sa vive inquiétude concernant plusieurs dispositions de ce texte qui contreviennent aux principes de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et risquent de fragiliser davantage encore l’effectivité des droits de l’enfant à Mayotte. Nous regrettons également l’absence de dispositions concrètes et suffisantes pour garantir leur protection et leur bien-être.
En novembre 2023, nous publiions un rapport dressant un constat alarmant de la mise en œuvre des droits des enfants dans les territoires ultramarins – particulièrement à Mayotte, et appelions à un sursaut pour rattraper les inégalités avec l’Hexagone. Mayotte est le département le plus jeune et le plus pauvre de France. Près d’un habitant sur deux a moins de 18 ans, et 8 enfants sur 10 vivent en situation de grande pauvreté. Les cyclones Chido et Dikeledi n’ont fait qu’aggraver la situation d’extrême vulnérabilité des enfants sur ce territoire et pourtant, leurs besoins restent largement absents des priorités.
Dans le cadre du plan “Mayotte debout”, l’UNICEF France avait déjà appelé à garantir l’universalité et l’inconditionnalité de la réponse à la crise, en appliquant pleinement le principe de non-discrimination. Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, présenté en Conseil des ministres le 21 avril dernier, renforce notre préoccupation quant à son impact sur les droits de l’enfant. Ce texte prévoit de nouvelles dérogations législatives sur l’enfermement des enfants en rétention, la destruction de l’habitat insalubre sans garanties d’accès aux droits des familles ou encore sur les droits des enfants étrangers et/ou en situation de migration. Ces mesures donnent la priorité à la lutte contre l’immigration et à la réorganisation de l’habitat, au détriment d’une approche centrée sur l’enfance.
Si le rapport annexé comporte quelques références à des politiques bénéfiques aux enfants (principalement l’éducation), on ne peut que regretter la faiblesse du projet pour l’enfance qui se dessine dans ce projet de “refondation de Mayotte”. Est-il de possible de refonder Mayotte sans offrir de perspectives positives aux enfants qui y vivent ?
En effet, le texte de loi se concentre, s’agissant des enfants, sur des dispositions répressives ou liées à la lutte contre l’immigration. En outre, l’étude d’impact jointe au texte législatif reste lacunaire sur les effets des mesures envisagées sur la jeunesse, qui représente pourtant la moitié de la population de l’archipel.
Face à cette situation alarmante, nous appelons les sénateurs et sénatrices à examiner ce texte au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, au-delà de toute logique partisane. L’enfance doit être une priorité absolue et constituer le pilier central de toute politique de refondation de Mayotte. »