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Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France ©Benjamin Decoin/UNICEF France

Tribune : Pour une justice adaptée aux mineurs

Paris, le 30 avril 2024 – Les récentes annonces de Gabriel Attal pour répondre à la violence des mineurs soulèvent des questions cruciales quant à l’équilibre entre sécurité publique et respect des droits fondamentaux de l’enfant. L’approche envisagée par le gouvernement privilégie la répression au détriment de la protection et de la prévention et soulève des préoccupations légitimes quant à son efficacité et à sa conformité aux normes internationales en matière de droits de l’enfant.

En tant que présidente de l’UNICEF France, je ne peux qu’être profondément préoccupée par ces déclarations.

L’ordonnance du 2 février 1945 a créé une justice spécifique pour les mineurs, fondée sur un équilibre entre mesures éducatives et mesures répressives.

Depuis 1945, cette ordonnance a été modifiée quarante fois, et son évolution a conduit à l’instauration d’un nouveau code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021.

Il est intéressant de constater que, même si ces modifications successives l’ont été dans un sens plus sévère depuis la fin des années 1990, le principe de la primauté de l’éducatif sur le répressif a toujours été maintenu et même réaffirmé.

Or c’est précisément ce principe que contredisent les récentes annonces, alors même que le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a exhorté la France, en 2023, à aligner son système de justice pénale des mineurs sur la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).

Dans l’arsenal des lois et des principes qui défendent l’intérêt supérieur de l’enfant, l’article 40 de la CIDE proclame que les enfants, même lorsqu’ils sont soupçonnés ou reconnus coupables d’infractions pénales, doivent être traités avec la dignité qui leur est due, en tenant compte de leur âge et en favorisant leur réinsertion dans la société. Il est crucial que la France respecte pleinement cette recommandation de l’ONU et l’engagement qu’elle a pris.

Permettre la comparution immédiate à partir de 16 ans , qui plus est lorsque l’on connaît les dysfonctionnements de cette procédure concernant les adultes, est totalement contraire à la nécessité d’une justice de qualité, prenant en compte la spécificité du jeune, de son histoire et de ses conditions de vie ; cette procédure serait par ailleurs en totale contradiction avec le nouveau principe de la césure du procès pénal instauré en 2021 par le nouveau code de la justice pénale des mineurs, qui instaure un délai de 9 mois après la déclaration de culpabilité, précisément pour constater la façon dont le jeune a évolué dans ce délai et en tenir compte dans le prononcé de la peine .

Envisager de supprimer l’excuse de minorité va également à l’encontre de l’ensemble du droit pénal des mineurs car cette garantie est précisément conçue pour prendre en compte la spécificité de la situation du mineur et adapter la réponse judiciaire en conséquence

La mesure consistant à sanctionner les élèves « perturbateurs » dans leur dossier ParcourSup, leur brevet, leur CAP ou leur bac est tout aussi préoccupante. Cette disposition va marquer précocement le destin des jeunes, compromettant ainsi la promesse émancipatrice de l’école et leur droit primordial à l’éducation et à l’égalité des chances.

Quant aux sanctions envisagées envers les parents (travail d’intérêt général, amende en cas de non-comparution, etc.), elles semblent tout autant émaner d’une vision exclusivement punitive de la justice et n’auront comme effet que de perpétuer un cercle vicieux de marginalisation pour les enfants et leurs familles, le plus souvent déjà en situation de vulnérabilité. Loin de les aider à surmonter les tensions familiales et leurs difficultés, ces dispositions risquent de les conduire encore davantage dans la précarité économique et sociale.

La CIDE, en vigueur depuis 1989, oblige les autorités à protéger chaque enfant, ce qui invite à reconnaître que les enfants en conflit avec la loi sont eux-mêmes en situation de danger.

À l’UNICEF France, nous plaidons pour une approche basée sur les droits de l’enfant, qui reconnaît la primauté de l’éducatif sur le répressif. Nous savons que la délinquance juvénile trouve souvent ses racines dans des situations de vulnérabilité et constitue bien souvent le symptôme de négligences plus larges dans la garantie des droits de l’enfant. Nous appelons sans relâche à un renforcement de la prévention et de l’accompagnement des familles, des professionnels et des jeunes auteurs de violences.

C’est précisément cette approche qui fait défaut dans les annonces du Premier ministre, alors même que la prévention spécialisée et la protection de l’enfance en France sont dans un état alarmant, au point que certains enfants et parents doivent attendre plus de six mois avant de voir intervenir un éducateur à la suite d’une mesure en assistance éducative prononcée par le juge ; alors même que la pédopsychiatrie et la médecine scolaire subissent elles aussi une crise sans précédent (un psychologue scolaire pour 2000 élèves…) et que l’accès aux soins de santé mentale s’avère totalement insuffisant ;

Les mesures annoncées risquent de compromettre le traitement spécifique que les enfants soupçonnés ou reconnus coupables d’infractions pénales sont en droit de recevoir en vertu de la Convention internationale des droits de l’enfant.

C’est pourquoi nous appelons le gouvernement à reconsidérer sa stratégie et à placer les droits de l’enfant au cœur de ses actions. Cela nécessite une action concertée de tous les adultes co-éducateurs de l’enfant, notamment les professionnels de l’éducation, les parents et la société civile. En investissant dans des solutions basées sur la prévention, la protection et la réhabilitation, nous pouvons construire un avenir plus sûr et plus juste pour tous les enfants de notre pays.

Leur avenir dépend de notre engagement.